

Des fêtes pas si drôles
Noël 2024. Depuis des semaines, je me réjouis à la perspective de passer la veillée de Noël avec ma famille. Et nous y voici. Mais je suis d’une humeur triste sans raison identifiée. Je n’arrive pas à sourire ni à rester concentrée sur les conversations. Au bout de deux heures d’effort, je jette l’éponge. Je m’installe dans un fauteuil à l’écart, où je n’ai pas besoin d’afficher un sourire forcé. Ce n’est pas ainsi que j’avais imaginé cette soirée, mais il n’y a visiblement rien à faire.
Le lendemain, tout cela me donne à réfléchir… En vérité, cela fait plusieurs semaines que je suis dans un état étrange : tout va plutôt bien dans ma vie et pourtant je ressens une vague tristesse inexpliquée. Quelques jours plus tard, c’est le réveillon du Nouvel An. Cette fois, je passe une très chouette soirée. Mais aux douze coups de minuit, je vois tout le monde s’embrasser en se souhaitant une bonne année, et je ressens une répulsion et une sensation d’absurdité… Adolescente et jeune adulte, je détestais cette tradition, que je trouvais totalement dépourvue de sens. Cela faisait longtemps que je n’avais plus ressenti ce dégoût. Mais ce soir-là, il me reprend. Que m’arrive-t-il ?
Tout va bien ?
J’éprouve une sorte de sentiment d’échec. Comment puis-je me sentir ainsi alors que je pratique le Tao? Et surtout à un moment où tant de beaux accomplissements ont lieu, principalement la sortie de mon premier livre. Hmmm… plein de belles choses, certes. Mais aussi beaucoup de situations difficiles, de doutes et d’angoisses. Mes projets, aussi beaux soient-ils, représentent une grande responsabilité et une charge énorme pèse sur mes seules épaules. Je me rends de plus en plus visible, ce qui génère certaines peurs et de mauvaises nuits. J’ai en outre attrapé la grippe de mes enfants et je me sens physiquement mal.
Finalement, peut-être que tout ne va pas si bien. Je fais la liste de ce que je traverse de difficile actuellement et je constate que ma situation est effectivement lourde. Je reçois un premier exemplaire de mon livre par la poste. Ce devrait être un moment excitant et euphorisant. Mais, après l’avoir feuilleté, je le range dans ma bibliothèque et n’en parle à personne. Je crois que, malgré toute la bienveillance de mes proches, tout ceci est trop difficile à assumer.
La vie est une vaste blague
Je lis un livre intitulé «Album de famille». Grâce aux archéologues et paléontologues qui ont reconstitué les squelettes de nos ancêtres, et grâce aux généticiens qui ont étudié leur ADN, des artistes ont pu recréer les traits des premiers hommes, de Lucy à la momie Ötzi en passant par Néandertal. Je tiens donc entre les mains un véritable album photo, reprenant le visage de quinze de ces premiers hommes et femmes. L’auteur raconte leur vie quotidienne et il retrace leur parcours, leur origine, le monde dont ils sont issus et leurs migrations. Plus j’avance dans ma lecture, plus je ressens au fond de moi qui nous sommes et à quel point nous sommes proches de nos ancêtres dans cette longue chaîne généalogique.
Cette mise en perspective sur des millions d’années me fait relativiser les événements sans que je m’en rende compte. Combien de milliers de milliards de personnes ont vécu avant moi, certaines ayant vécu des drames terribles. Mais quelle que soit la gravité du drame, plus personne ne s’en souvient. Tous nos problèmes, si on les place sur l’échelle du temps, sont tellement insignifiants. Et que dire des miens… !
Je réalise qu’il ne vaut pas la peine de demeurer dans des humeurs basses. Même quand la situation est préoccupante. Car tous ces soucis, même immenses, ne représentent finalement rien.
Je me surprends à penser : « La vie est une vaste blague ». Je ne veux plus me prendre au sérieux comme je le fais, m’inquiéter de savoir si j’aurai suffisamment de participants à mon prochain atelier, si je recevrai le soutien de mes partenaires, si j’aurai des lecteurs… Car rien de tout cela n’a de réelle importance et, même si je devais échouer, l’échec ne serait qu’une vaste blague. Même si rien ne devait fonctionner dans ma vie, ce ne serait encore une fois qu’une immense farce. Ce qui est si drôle ? Se prendre au sérieux. Ce qui ne signifie pas que je ne vais plus faire les choses sérieusement ! Non, j’agis avec cœur et professionnalisme. Mais ensuite, je lâche tout ; je lâche prise et j’arrête de m’en faire.
J’ai écrit une partie de cet article au cours d’une insomnie. Je me suis réveillée à 2h00. Et trois heures et demi plus tard, soit à 5h30, je ne m’étais toujours pas rendormie. La nuit était finie : à peine trois heures de sommeil en tout et pour tout. J’ai versé quelques larmes de colère car j’allais de nouveau avoir de gros cernes sous les yeux. Et ensuite, j’ai lâché prise et j’ai choisi d’en rire. Car que signifie cette insomnie sur l’histoire du temps ? Même si elle fait suite à une longue série d’autres nuits du même acabit.
Cours de rire
Au moment où j’ai compris que la joie me faisait défaut et que je me laissais alourdir par les soucis alors que cela ne servait à rien, j’ai pris la décision de réapprendre à rire. Je pressentais qu’il allait falloir que je me force un peu dans un premier temps. Et j’ai repensé à une technique dont j’avais entendu parler quinze ans plus tôt (et que j’avais trouvée ridicule à l’époque) : le yoga du rire. Moi qui avais toujours trouvé cette pratique stupide, j’ai soudain compris sa richesse et son utilité. Quand on se laisse trop accabler par ses préoccupations, il faut aller à l’hôpital du rire pour se soigner. Sur Youtube, je suis directement tombée sur des vidéos de Linda Leclerc, sommité en yoga du rire au Canada ; et, en quelques vidéos, j’ai retrouvé ma légèreté.
À l’heure d’écrire cet article, le yoga du rire fait partie de ma vie depuis à peine deux ou trois semaines et il change déjà tout. La façon dont nous accueillons les événements de la vie ne dépend que de nous : c’est un choix. Cela ne signifie pas qu’il soit interdit de ressentir de la tristesse ou d’autres émotions qui nous plombent. Mais nous savons tous qu’une émotion dure moins d’une minute.
À la fin de ma terrible nuit d’insomnie, comprenant que je n’aurais que trois heures de sommeil cette nuit-là, j’ai eu une bouffée de colère ; puis un accès de tristesse et j’ai versé quelques larmes d’impuissance. Ensuite, je me suis dit : « Voilà, c’est sorti. Et à présent, je peux choisir dans quel état d’esprit je veux passer cette journée ». Mais il ne suffit pas décider d’être plus souriant et léger. Pour y arriver effectivement, il faut s’entraîner, s’exercer. Et c’est là qu’intervient le yoga du rire : en passer par le rire forcé pour retrouver notre capacité naturelle à être dans la joie et la légèreté. Le rire apporte de nombreux bienfaits à notre corps, il n’agit pas uniquement sur notre humeur et notre capacité à aborder la vie et ses contrariétés. Il oxygène aussi notre corps et notre cerveau, masse nos organes internes et réduit notre stress, entre autres.
Et le Tao dans tout ça ?
Cette aventure a ramené à la surface une constatation que j’avais déjà faite quelques années plus tôt : les pratiques méditatives me rendent sérieuses. Quand je me recentre, que je me tourne vers moi-même et que j’entre dans mes profondeurs, je quitte la légèreté. Cela ne signifie nullement que j’entre dans la tristesse pour autant ! Mais les profondeurs vont vers le bas, n’est-ce pas ? Le calme intérieur m’apporte beaucoup de sérénité, mais aussi un peu trop de sérieux. Est-ce moi qui m’y prends mal ? Je l’ignore. Ce qui est sûr, c’est que les pratiques méditatives visent la joie. Pensons au Bouddha rieur, par exemple. Et dans le Tao aussi, nous sommes toujours invités à pratiquer dans la joie. D’ailleurs, nous activons systématiquement le Sourire Intérieur avant de commencer quelle que pratique que ce soit. Et il existe des exercices pendant lesquels nous nous forçons à rire pour activer notre centre d’énergie vitale et détendre notre diaphragme.
Mais il semble que j’aie besoin de « traitements lourds ». Je trouve dans le yoga du rire la méthode tout indiquée pour ce faire. Elle complète à merveille ma pratique du Tao.
Et vous… ? Constatez-vous parfois que vous avez tendance à laisser vos épaules s’affaisser sous le poids des responsabilités et des soucis ? Aimeriez-vous rire et sourire plus souvent, vous sentir plus léger.ères et plein.es de joie ? De quels outils disposez-vous pour y arriver ? Pensez-vous qu’ils sont suffisamment efficaces ?
Post-scriptum
Deux mois plus tard…
Mon assiduité à pratiquer le yoga du rire fut de courte durée (environ deux semaines). Mais j’avais deux bonnes raisons pour choisir de le mettre de côté (temporairement ?).
Tout d’abord, j’avais décidé de consacrer le mois de janvier au repos et à la position horizontale, d’alléger mon agenda et de récupérer mes forces. Le mois de janvier est le mois Yin par excellence dans le calendrier saisonner taoïste, et je voulais respecter ce rythme. Donc : moins d’activités et plus de repos, allongée dans mon lit.
Deuxièmement, je suis tombée plusieurs fois malade en décembre et en janvier. J’ai alors décidé de faire un « traitement de choc » : une heure de Tao Yin des poumons et du côlon tous les soirs. En effet, ces organes constituent notre Wei Chi (bouclier) et nous protège contre les agressions extérieures. Les stimuler et nettoyer les méridiens des poumons et du gros intestin nous aide à renforcer notre immunité.
Pendant une semaine, j’ai pratiqué tous les jours. J’ai constaté une belle amélioration de ma résistance aux microbes, mais aussi et avec surprise, de mon humeur. Il faut dire que les poumons sont liés aux émotions de tristesse, découragement, dépression et mélancolie. Travailler sur nos poumons nous aide à nous redresser (là où nous étions voutés) et à retrouver nos qualités de courage, de droiture, de fidélité et de loyauté. Et c’est exactement ce qui m’est arrivé ! Je me sentais légère et de bonne humeur.
Alors… exit le yoga du rire ? Certainement pas. Je le garde dans ma boîte à outils, pour les cas d’urgence et les situations désespérées.